Le 14 avril 2016, Thierry Beaudet, Président de la MGEN et unique candidat déclaré à ce jour à la présidence de la Mutualité Française, a répondu à nos questions « sans langue de bois ».
Lors de cette rencontre, nous avons pu échanger librement avec le candidat sur son ambition pour la fédération des mutuelles santé, évoquant des sujets d’actualité et d’avenir.
Un militant de l’éducation populaire, guidé par un désir de « mieux vivre ensemble »
Thierry Beaudet a d’abord évoqué son parcours engagé et son parcours mutualiste, qu’il qualifie lui-même de « 100% MGEN », guidé par l’envie de construire un « mieux vivre ensemble », véritable fil rouge de son engagement.
Instituteur engagé dans les mouvements d’éducation populaire, il a d’abord milité au sein des Œuvres laïques de l’Orne, puis a naturellement rejoint la section MGEN du Calvados en 1998. En 2003, il est élu au Conseil d’administration MGEN puis devient président en 2009. Depuis mai 2011, il préside également l’Union mutualiste de groupe ISTYA.
Pour la promotion des mutuelles et la forme d’entreprendre mutualiste
Soulignant l’amitié et l’estime qui le lient à Etienne Caniard, et précisant que ce dernier n’a pas souhaité se représenter à la présidence de la Mutualité Française, Thierry Beaudet s’est porté candidat par attachement au mouvement et aux valeurs mutualistes.
Le candidat Beaudet souhaite promouvoir l’intérêt des mutuelles et leur modèle d’entreprendre.
Ancré dans la réalité d’un groupe mutualiste, aux prises avec ses défis quotidiens, tels que les négociations avec les autorités de contrôle et les pouvoirs publics, il entend d’autant mieux contribuer à ce dessein en demeurant président de mutuelle, pour rester « connecté aux réalités quotidiennes des mutuelles ».
Il a conscience que sa « candidature ne recueille pas un assentiment très fort » principalement pour cette raison, mais il voit un réel atout à rester dirigeant tout en construisant le renouveau du mouvement social qu’est la mutualité.
Les mutuelles doivent renouer avec la notion de bien commun
Pour lui, « cette vieille dame, en plein résonance avec les aspirations de la société » doit se démarquer des autres secteurs. Si Axa ou d’autres entreprises lucratives du secteur sont de « bons assureurs », il considère que l’engagement des mutuelles doit servir le « lien social républicain », agir pour le « bien commun ».
Dans un contexte de concurrence exacerbée et d’intégration des directives européennes assurantielles, Thierry Beaudet s’interroge sur « les moyens de protéger la solidarité », sur l’opportunité d’imaginer de nouvelles formes de mutualité, sur l’intérêt de faire œuvre commune avec d’autres acteurs qui contribuent à l’amélioration du vivre ensemble, au « faire société ». Les sujets sociétaux ne doivent pas être accaparés par des « experts ». La Mutualité doit susciter, porter le débat public et entrer en dialogue avec acteurs de la société civile, les associations ou encore les organisations syndicales.
Un mouvement mutualiste au cœur des débats d’actualité
« Les mutuelles sont des assureurs paradoxaux » explique t’il, puisqu’elles s’inquiètent du recul du financement public de la santé, là ou d’autres acteurs identifient de potentielles parts de marché.
C’est pour cela qu’elles doivent davantage peser dans les débats d’actualité et trouver les moyens de mieux se faire entendre. Elles ne doivent pas s’enfermer dans l’activité assurantielle. La Mutualité est avant tout un modèle d’entreprendre., un mouvement qui vise à « contribuer à une société plus juste, plus solidaire et plus humaine ». C’est déjà le sens des actions initiées par la Mutualité Française mais « il est possible d’aller encore plus loin » précise–t-il.
Rien n’empêcherait, selon lui, que les mutuelles répondent aux besoins de garde d’enfants ou de logement. Elles doivent s’autoriser à contribuer au débat sur la bioéthique, la fin de vie ou le transhumanisme. « Nous sommes engagés, nous faisons mouvement » scande-t-il.
A nos questions sur la place des femmes au sein des mutuelles ainsi que des jeunes, Thierry Beaudet nous a apporté une réponse pragmatique. La parité est vrai sujet de société selon lui et il faut également permettre de recréer du lien entre la jeunesse et les « organisations institutionnalisées que sont les mutuelles ». Il considère également que les mutuelles étudiantes ont un « rôle essentiel à jouer » et que des bonnes pratiques comme le comité jeunes de la Mutuelle nationale territoriale doivent prendre de l’ampleur. Il salue également le travail effectué au sein de la coopérative québécoise Desjardins avec du tutorat et des postes d’administrateurs stagiaires.
Aux jeunes, les mutuelles doivent être capables de faire passer un message renouvelé qui ne porte plus à croire que l’engagement mutualiste est « l’affaire de toute une vie ». Les mutuelles doivent également trouver les moyens de prendre en compte les nouvelles modalités selon lesquelles les jeunes souhaitent s’impliquer et mieux comprendre l’attrait de ces derniers pour l’économie collaborative, pour des relations horizontales. Il rappelle d’ailleurs, à juste titre, que les mutuelles d’assurances s’appelaient à à l’origine les « mutuelles sans intermédiaire ». « Si statut n’est pas vertu », propos que Thierry Beaudet emprunte bien volontiers à Benoît Hamon, ancien ministre en charge de l’ESS et initiateur de la loi relative à l’ESS, il aime rappeler que certaines pratiques de l’ESS sont bien plus anciennes et innovantes que ce que propose l’économie collaborative aujourd’hui. Il souligne d’ailleurs au passage la grande difficulté des mutuelles et de l’ESS à bien « faire connaître » ce qu’elles font.