ESS France se félicite de l’ouverture de ce débat lors de l’intervention de Nicolas HULOT, ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, le 11 décembre 2017, devant des acteurs économiques.
Ce sont des vraies questions de société qui méritent un débat ouvert et serein.
Nous refusons à la fois un certain conservatisme qui voudrait garder figés des textes de loi datant du début du XIXème siècle et rejetant toute prise en compte des évolutions de la société mais aussi certaines confusions produites par des appréciations trop rapides sur la portée réelle de ce type de mesure.
Nous pensons préférable de ne pas toucher à la définition de l’intérêt général telle qu’elle figure dans les articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
Nous affirmons que les entreprises à mission existent déjà en France : ce sont les entreprises de l’économie sociale et solidaire telles qu’elles sont définies par l’article 1er et alii de la loi du 31 juillet 2014. Pour s’en prévaloir, la loi pose des exigences et des contraintes fortes.
ESS France est tout à fait favorable à deux modifications de l’article 1833 du code civil :
- Pour introduire l’obligation pour toute société de tenir compte des conséquences de son activité économique au regard des objectifs de développement durable et en matière de prévention des risques. C’est pour nous le seuil minimal de responsabilité pour tout entrepreneur quelle que soit la forme juridique de son entreprise.
- Pour permettre, à titre volontaire, d’avoir un objet social plus étendu que le seul partage de bénéfices entre les associés. Cette possibilité permet d’affirmer une plus grande responsabilité de l’entreprise vis-à-vis de son environnement. Elle a le mérite d’être opposable aux différentes parties prenantes de l’entreprise, y compris ses actionnaires ou associés. Ces entreprises à objet social étendu doivent être incitées à une plus grande responsabilité sociétale (relations avec les fournisseurs et les clients, impact environnemental et social des produits et services, impact sur la santé publique, transparence sur leurs activités, leurs comptes, la situation des dirigeants) en acceptant des indicateurs publics, mais aussi à favoriser les achats socialement responsables et à agir dans le sens d’une gouvernance et d’une répartition des bénéfices plus équilibrées.
C’est une évolution qui nous semble très positive et qui contribue à une meilleure régulation et à un dynamisme renforcé du monde économique.
Mais cette possibilité ne doit permettre aucun avantage financier ou fiscal particulier :
– Ce statut de société à objet social étendu (SOSE) ne doit pas permettre de bénéficier des possibilités prévues aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
– Il ne peut pas remplacer l’agrément ESUS qui a des exigences beaucoup plus fortes (utilité sociale, échelle des salaires, …) et donc ne doit pas permettre d’accéder à l’épargne salariale solidaire ni même éventuellement à la déduction fiscale sur l’IR au titre des investissements dans une entreprise solidaire.
– Il ne permet pas d’être comptabilisé comme entreprise de l’ESS dans les listes publiées par les CRESS.
Ce sont à ces conditions que l’on évitera toute confusion.
En effet, les entreprises de l’ESS ont des exigences d’un niveau bien supérieur à celui d’un objet social étendu, définies dans l’article 1er de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014 :
– Bien sûr, un but autre que le seul partage des bénéfices.
– Une gouvernance démocratique inscrite dans les statuts.
– Des bénéfices majoritairement consacrés à l’objectif de l’entreprise.
– Des réserves obligatoires qui sont impartageables, même en cas de liquidation, et non distribuables.
Pour les sociétés commerciales qui veulent être des entreprises de l’ESS, la loi renforce ces exigences :
– Bien sûr elles respectent les conditions précédentes.
– Mais en plus elles recherchent une utilité sociale définie à l’article 2 de la loi, et donc ne se contentent pas d’un objet social, scientifique ou environnemental, même si celui-ci est déjà un véritable progrès.
– Les bénéfices sont affectés à 20% à une réserve obligatoire dite fonds de développement et à 50% au report à nouveau.
– Il y a interdiction d’amortir ou réduire le capital sauf perte ou survie de l’entreprise
Pour toutes ces raisons ces entreprises de l’ESS (qu’elles soient sous forme d’associations, de mutuelles, de coopératives, de fondations ou de sociétés commerciales) ne peuvent pas être confondues avec un objet social étendu volontaire.
Toutes ces entreprises de l’ESS conjuguent solidarité, responsabilité, intérêt collectif et volonté de développement économique notamment vial’innovation sociale. Pour certaines d’entre elles, elles participent de l’intérêt général au sens du code général des impôts.
C’est pourquoi ces entreprises mettent en avant :
– La notion de citoyenneté économique.
– La dimension démocratique.
– Le refus d’une économie rentière, spéculative et prédatrice.
– Le refus d’une logique de profit à court terme.
– Leur rôle d’acteur du pacte républicain.
Nous affrontons la compétition mais nous préférons la coopération.
Dans un document adopté par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire en avril 2017, sont proposées 12 pistes en matière de développement :
– Etudier la faisabilité d’un fonds de promotion de l’ESS.
– Renforcer la capacité d’analyse et de prospective sur et pour les entreprises de l’ESS.
– Valoriser l’impact sociétal, social et environnemental des entreprises de l’ESS.
– Renforcer les écosystèmes territoriaux d’accompagnement et encourager leur déploiement sur l’ensemble des territoires.
– Favoriser la création, la transmission et la reprise d’entreprises dans le cadre de l’ESS.
– Accompagner l’évolution des modèles économiques et aider à la consolidation.
– Financer le développement des entreprises de l’ESS.
– Faire reconnaître l’innovation sociale aux côtés de l’innovation technologique et organisationnelle.
– Développer la commande publique et l’achat privé aux entreprises de l’ESS.
– Développer l’attractivité des emplois dans l’ESS et accompagner les parcours des salariés.
– Conforter les politiques publiques en faveur de l’ESS.
– Faire vivre les démarches de coconstruction des politiques publiques avec les acteurs de l’ESS.
La création d’un statut de société à objet social étendu (que nous soutenons) ne saurait faire oublier la nécessité de concrétiser ces pistes de développement de l’ESS qui restent entièrement d’actualité.